A voir lundi 13 janvier 2014 à 2h05 sur Arte |
Né à Tokyo en 1910, Akira Kurosawa descend d’une longue lignée de samouraïs et militaires de carrière. Elevé selon une discipline rigoureuse, le cinéaste a grandi dans le respect des traditions japonaises tout en bénéficiant d’une grande ouverture à la culture occidentale grâce à un père qui se plaisait à l’emmener au théâtre, au music-hall et au cinéma. Aux côtés de son frère qui travaille en tant que «Benshi» (bonimenteur) dans les cinémas, il découvre les cinéastes américains et européens de l’époque. Mais à l’avènement du parlant, son frère, désoeuvré, se donne la mort. Pour honorer sa mémoire, Akira postule pour devenir assistant réalisateur dans un studio de cinéma et se fait immédiatement embaucher. Après avoir scénarisé les films de nombreux réalisateurs, il se lance, en 1941, dans son premier film. En 1943, la fresque historique «La légende du grand Judo» connaît un grand succès au Japon, malgré de grosses amputations dues à une censure drastique. Les sujets historiques, policiers ou mélodramatiques s’enchaînent alors jusqu’à «Rashômon», sorti en 1950.
Dans l’histoire de la découverte du septième art japonais, ce film a joué un rôle considérable: montré en 1951 au Festival de Venise à l’insu de l’auteur et contre l’avis des producteurs, il remporte le Lion d’Or et révèle au monde entier l’existence d’un cinéma d’une originalité insoupçonnée. Onzième long-métrage de Kurosawa (qui a alors 40 ans), «Rashômon» constitue l’adaptation condensée de deux nouvelles d’un écrivain japonais du début du 20e siècle, Ryûnosuke Akutagawa, qui s’est suicidé à l’âge de 27 ans. A Kyoto, capitale du Japon il y a 1200 ans, par une pluie incessante, témoins et protagonistes d’une affaire de meurtre livrent leurs versions contradictoires; en trois flashbacks d’un dynamisme extraordinaire, en témoigne le nombre élevé de plans que comprend le film, Kurosawa matérialise trois versions parfaitement crédibles de l’affaire… 64 ans plus tard, la leçon porte toujours: le cinéma ne doit pas décider pour le spectateur; c’est à ce dernier qu’il revient de faire un choix.
Suite au succès fulgurant et durable de «Rashômon», la carrière de Kurosawa va bon train jusqu’à l’échec commercial de «Dodes’Kaden» (1970), après lequel les producteurs japonais ne voulurent plus de lui. Parti en Russie, Kurosawa a ensuite prouvé à ces derniers qu’ils avaient eu tort en tournant la grandiose aventure de «Dersu Uzala» (1975), le trappeur de la taïga. Et c’est finalement grâce à des indépendants américains comme Coppola, Spielberg ou Lucas, qu’il a pu réaliser d’autres chefs-d’œuvre, tels «Kagemusha» (1980) ou «Ran» (1985).
de Akira Kurosawa
Japon, 1950, 1h28