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Cinquième long-métrage de son auteur, «Birdman» de Alejandro González Iñárritu s’est vu décerné l’Oscar du meilleur film, du Meilleur réalisateur, du Meilleur scénario original et de la Meilleure photographie. Ce pilonnage de prestige récompense la carrière, encore en cours, d’un cinéaste perpétue son goût pour les personnages torturés, ici, un acteur sur le retour, célèbre pour avoir incarné un super héros infantile, qui veut se refaire une réputation en jouant au théâtre.
Le film s’ouvre sur un plan d’étoile filante pénétrant dans notre atmosphère, un plan clairement emblématique de la carrière météorique de Riggan Thomson (Michael Keaton), lequel a connu la célébrité en interprétant à seulement trois reprises le rôle de «l’Homme-oiseau», un super héros plumé de notoriété mondiale! Vingt ans plus tard, Riggan s’efforce de faire son come-back, mais sur les planches, histoire de prouver au monde qu’il est un véritable acteur, et non pas une bête marionnette ballottée par les effets spéciaux. Pour ce faire, il a loué le Saint James Theater, sis sur Times Square, la Mecque du théâtre new-yorkais, et tripatouillé une nouvelle de l’imparable Raymond Carver, histoire de se réserver les meilleures répliques.
A quelques jours de la première, Riggan est saisi par le doute. Confiné dans le théâtre, qui se révèle être un véritable dédale, il doit composer avec des partenaires de jeu plus ou moins flexibles (dont Edward Norton), son producteur et meilleur ami (Zach Galifianakis), sans oublier sa fille (Emma Stone), toute fraîche émoulue d’une cure de désintoxication, dont il a fait sa «conseillère personnelle». Par le biais de plans-séquences virtuoses, Iñárritu filme ce microcosme perturbé en glissant volontiers dans le fantastique. Il dote ainsi Riggan Thomson de pouvoirs dérisoires ou fait apparaître son personnage de l’Homme-oiseau comme un «trainer» intérieur… Dommage qu’il ait cru bon de céder à un brio gratuit ne seyant guère à l’humanité humiliée qui suinte de partout, d’autant que Michael Keaton (qui a connu pareil destin avec Batman) et tous les autres comédiens y sont formidables de justesse!
de Alejandro González Iñárritu
Etats-Unis, 2014, 1h59