A voir mercredi 15 février 2012 à 23h30 sur Arte
Nous sommes en 1927, trois ans après la mort de Lénine, il est déjà temps de fêter le dixième anniversaire de la révolution. Considéré par le théoricien de la dictature du prolétariat comme un outil essentiel de la propagande, le cinéma se doit contribuer aux réjouissances…
Après le triomphe du «Cuirassé Potemkine» (1925), Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein (1898-1948) reçoit une subvention très généreuse de l’Etat et peut mettre en chantier «Octobre» qui décrit les différentes étapes vers l’instauration du régime soviétique. Le futur réalisateur de «Ivan le Terrible» reconstitue la succession des événements de février à octobre 1917, la chute du Tsar, la répression sanglante des manifestations bolcheviques, l’insurrection de l’armée…
L’ambition d’Eisenstein est démesurée, rien moins que substituer à la vérité historique son propre film, pour le graver dans le «jeune» inconscient collectif soviétique. Mais le peuple ne joue pas le jeu. Déroutés par ses expériences formelles, dont son fameux «montage» des attractions, les spectateurs boudent le film, ne goûtant guère à ce cinéma sans personnages où la partie (on devrait plutôt dire le parti) vaut toujours pour le tout.
Suite à la disgrâce de Trotski (chassé du parti en 1927), le cinéaste doit couper plusieurs plans qui louent son héroïsme. Il s’y prête avec mauvaise grâce qui le fait mal voir des autorités suprêmes. Par chance, l’intelligentsia européenne fait un triomphe à «Octobre» et permet à Eisenstein de revenir dans les bons papiers de Staline qui déteste pourtant son formalisme…
Revu aujourd’hui, «Octobre» (sous-titré «Les dix jours qui ébranlèrent le monde») flanque plutôt la chair de poule ! La réduction symbolique à laquelle se livre Eisenstein est difficilement supportable, faisant de l’ennemi des faciès grimaçants, malgré quelques purs émois esthétiques dus à une science inouïe du montage et de la composition du plan (le plan du cadavre du cheval pendu au-dessus du pont-levis qui s’ouvre, la vision quasiment onirique de la prise du Palais d’Hiver).
Oktjabr
de Sergei Mikhailovich Eisenstein
URSS, 1928, 1h52