A l’instigation de son tailleur en chef Anthony Vaccarello, la Maison Saint-Laurent a donné carte blanche à Pedro Almodóvar. En a résulté un western de poche que le réalisateur madrilène a présenté à Cannes en mai dernier. Que les puristes se rassurent, ce chef-d’œuvre de concision n’a rien d’un défilé de mode anachronique filmé sur fond de Monument Valley, même si Anthony Vaccarello en a créé les costumes. En quelque trente minutes d’une efficacité sidérante, «Strange Way of Life» révèle au contraire tout l’impensé de l’un des grands genres cinématographiques d’antan, longtemps corseté, censure oblige, par le diktat hétérosexuel. Au cœur du Far West andalou cher à Sergio Leone, Jake (Ethan Hawke), shérif d’un bled paumé, voit soudain ressurgir le passé personnifié par Silva (Pedro Pascal). Dans la fleur de l’âge, ces deux hommes ont vécu une relation amoureuse, au point de rêver de s’installer tous les deux dans un ranch. Las, aujourd’hui, Jake doit arrêter le fils de Silva, accusé de meurtre… «Strange Way Of Life» condense de façon magistrale les codes du western pour raconter une histoire d’amour au masculin d’où sourd une émotion insoupçonnée, à la hauteur des interdits dont se rit le cinéaste ibère.
Avant de déguster ce joyau mélancolique, l’on aura eu l’heur de découvrir en avant-programme un autre court-métrage du maître madrilène, «La voix humaine» (2021), librement adapté de la pièce éponyme de Jean Cocteau, jouée pour la première fois en 1930. On y découvre une femme qui attend en vain que son ex-amant vienne rechercher ses valises. Claustrée, l’éplorée exprime son désamour devant un petit chien qui ne comprend pas que son maître l’ait aussi abandonné. Une réactivation féministe toute en nuances du propos de Cocteau, magnifiée par Tilda Swinton, juste l’une des plus grandes actrices du moment!
«Strange Way of Life»
de Pedro Almodóvar
Espagne/France, 2023, 31min.
Précédé de «La voix humaine»
de Pedro Almodóvar
Espagne/Etats-Unis, 2021, 30min
