Take Shelter

Révélé en 2008 grâce à «Shotgun Stories», un premier film qui réactualisait dans l’Arkansas profond la tragédie des Atrides (lire à ce propos la chronique DVD ci-dessous), le jeune cinéaste américain indépendant Jeff Nichols confirme aujourd’hui son immense talent avec «Take Shelter» (littéralement «trouver refuge»). De façon très impressionnante, mais sans pour autant verser dans la surenchère, Nichols décrit dans ce second long-métrage hypnotique l’emprise croissante de la folie sur un bon père de famille, qui travaille dans une entreprise de forage.

Victime de cauchemars récurrents, en proie à des hallucinations toujours plus fréquentes, Curtis La Forche (Michael Shannon) est complètement obsédé par l’idée qu’une tornade va s’abattre sur les siens. Il s’évertue à protéger sa femme Samantha (Jessica Chastain) et sa petite fille sourde-muette (Tova Stewart), jusqu’à se ruiner pour leur construire un abri souterrain dans le jardin de sa maison.

Quand il n’est pas en crise, Curtis a douloureusement conscience que la schizophrénie le guette, un mal dont souffre déjà sa mère. L’homme tente alors de se faire soigner, en vain. Dans un premier temps, le malheureux parvient à cacher à ses proches ses troubles mentaux, mais la situation empire quand les êtres qu’il aime plus que tout viennent tour à tour peupler ses délires et ce, de manière très hostile, à commencer par son chien! Sa femme tente effectivement de l’accompagner dans sa folie, mais c’est parce qu’elle est aimante, allant jusqu’à accepter de passer une nuit dans l’abri, pour se prémunir d’une très hypothétique tornade.

Primé à Cannes en 2011, «Take Shelter» fonctionne sur le mode plutôt flippant du tour d’écrou. Ancrant son intrigue déstabilisante dans les plaines rassurantes de l’Ohio agricole, Nichols instille en effet très progressivement le soupçon sur la réalité qu’il donne à voir et à entendre au spectateur. Avec un art confondant de la mise en scène, il «fait monter» graduellement ce sentiment d’ambivalence en nous enfermant peu à peu dans la folie de son protagoniste, à l’instar des membres de sa famille, lesquels finiront peut-être par partager par empathie ses visions apocalyptiques, donnant matière à un final sidérant d’ambiguïté!

Edition sans bonus, mais le film se suffit à lui-même, comme très souvent d’ailleurs!

Ad Vitam