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Avec «Un peu, beaucoup, aveuglément», l’acteur français Clovis Cornillac passe à la réalisation et crée la surprise en déjouant les clichés du genre. C’est l’histoire de deux voisins à Paris, séparés par une cloison trop fine, qui s’appellent mutuellement «Machin» et «Machine». Toqué et agoraphobe, le premier (Clovis Cornillac) est un inventeur de jeux et autres casse-têtes improbables, tel le jeu d’échec à quatre faces. La seconde (Mélanie Bernier) est une jeune pianiste douée qui manque cruellement de confiance en elle. Reclus dans leur appartement, ils ne peuvent se consacrer à leur passion sans être dérangés par les bruits qui grondent de l’autre côté de la paroi… Partant du postulat d’une guerre absurde, hélas vraisemblable, entre voisins qui se déchirent au quotidien, Clovis Cornillac nous propose d’abord le récit d’un affrontement sur le mode de la surenchère comique, à grand renfort de coups de perceuse et de «Lettre à Elise» joué à tue-tête au piano à queue.
Ce pourrait être un brin déjà-vu si le cinéaste n’avait pas la malignité d’y intégrer une pointe d’ambiance fantastique et nombre de situations loufoques, qui font évoluer le film vers quelque chose de plus profond. A la faveur de quiproquos savoureux, Cornillac parvient en effet à explorer les aléas de la vie de couple. De fil en aiguille, «Un peu, beaucoup, aveuglément» prend des airs de comédie romantique originale, dont la veine comique oscille entre Blake Edwards, Woody Allen et Albert Dupontel. Certes, le procédé confine l’exercice à une certaine théâtralité dans le jeu des acteurs, mais, grâce à des dialogues et des gags étonnants, le film adopte un ton burlesque et décalé. Et Cornillac de profiter de l’occasion pour égratigner le spectateur: en restant rivés à nos téléphones portables, on ne prend plus la peine de s’écouter, à l’inverse des personnages du film, qui parviennent à s’entendre sans même se voir.
de Clovis Cornillac
France, 2015, 1h30