Caméra-stylo, programme n°122 |
Depuis une décennie, le cinéma belge connaît une période quasiment euphorique. Moult jeunes réalisateurs, qui ne forment pas à proprement parler une nouvelle génération, tournent des films qui trustent les sélections des festivals internationaux les plus prestigieux, au point que les très nécessaires Jean-Pierre et Luc Dardenne, l’indispensable Chantal Akerman ou encore Marion Hansel (qui joue un rôle clef dans ce nouvel essor) font déjà figure d’«anciens». Lucas Belvaux, Tom Barman, Frédéric Fonteyne, Lieven Debrauwer, Dominique Derrudere, Stéphane Guillet, Benoît Mariage, Jaco Van Dormael, pour ne citer que les plus en vue, ont tous réalisé au moins un long-métrage qui a bénéficié d’une diffusion internationale. Certes impressionnante, cette floraison de nouveaux talents n’a rien de miraculeux. Même si l’exiguïté de son territoire a empêché le développement d’une véritable industrie cinématographique, la Belgique a toujours eu partie liée avec le Septième Art.
Documentaire et réalisme magique
Quelques exemples choisis suffisent pour confirmer ce compagnonnage de longue date. A la fin des années vingt, les fondateurs d’une école documentaire qui fera date dans l’histoire du genre, Charles Dekeukeleire et Henry Stork, commencent à tourner des œuvres radicales pour l’époque. En 1933, ce même Stork co-réalise avec le Batave Joris Ivens «Borinage» qui constituera longtemps le modèle type du film politiquement engagé. A partir des années soixante, André Delvaux fonde le «réalisme magique», transposant avec des films comme «L’homme au crâne rasé» (1966), «Un soir, un train» (1968) et «Rendez-vous à Bray» (1969) une tradition du fantastique ancrée depuis belle lurette dans la culture belge (pensons seulement aux peintures de Magritte, Delvaux, Ensor et Rops). Quelques faits plus prosaïques, mais d’importance, ont toutefois contribué à l’élan actuel. Fondées au début des années soixante, trois écoles de cinéma – l’IAD (Institut des arts de diffusion), l’INSAS (Institut national supérieur des art du spectacle et de la scène) et le RITCS, son homologue flamand — ont fourni un cadre pédagogique de qualité très motivant. Dans les années quatre-vingt, Flandres et Wallonie renforcent leur autonomie et augmentent la part dévolue à la production de films dans leurs budgets. Ajoutées à cela, la manne européenne et une possibilité accrue de co-production avec la France pour les Wallons, la Hollande et la Grande-Bretagne pour les Flamands ont eu pour effet de multiplier les vocations.
Le nouveau cinéma belge
Ce nouveau cinéma belge partage-t-il une identité commune? Au demeurant, les films des Fonteyne, Mariage et autre Van Dormael ne semblent guère participer d’un courant ou d’un mouvement défini, même si dans leur attention au réel, qui confine parfois à un hyper-réalisme aux vertus souvent comiques, ces cinéastes proposent une manière de fusion entre les deux grandes tendances d’antan, le documentaire engagé et le réalisme magique. Reste quand même un point noir: les films belges jouissent d’une grande estime à l’étranger, mais peinent encore à trouver leur public. A Bruxelles, Anvers, Liège ou Gand, les dix premières places du box-office sont monopolisées depuis des années par les productions hollywoodiennes… Bref, nul n’est prophète en son (plat) pays!
Vincent Adatte